Le philosophe béninois Paulin Hountondji, décédé le 2 février 2024 à l’âge de 82 ans, a eu le courage de s’élever contre la tentation à laquelle cédaient beaucoup de penseurs africains, à la suite du Révérend Père Tempels, de modifier la définition de la philosophie pour permettre aux africains de s’en attribuer une. Dans son livre La Philosophie Bantou, le Père Placide Tempels affirmait en effet découvrir une philosophie africaine. Beaucoup d’intellectuels africains de son époque le célébraient et saluaient son livre comme fondateur de la philosophie africaine.
Paradoxalement, Tempels fut intronisé par ces penseurs nationalistes comme “père de la philosophie africaine” alors même qu’il écrit noir sur blanc dans son livre que son objectif est de mieux comprendre les bantous afin d’accompagner le projet colonial et de mieux accomplir la prétendue mission civilisatrice de l’Europe.
C’est contre le consensus qui célébrait Tempels et se plaçait dévotement sous son ombre tutélaire que Paulin Hountondji a eu le courage de s’élever. Hountondji sera également, dans les années 9o un des pionniers de la recherche épistémologique sur les savoirs endogènes. Premier africain admis en philosophie à la prestigieuse École Normale Supérieure de la rue d’Ulm à Paris en 1963, il est l’un des philosophes les plus influents d’Afrique.
Paradoxalement, son courage lui a valu d’être traité, entre autres, de “blanc” par ses détracteurs qui voyaient en lui un élitiste désireux d’en référer aux normes européennes plutôt que d’accepter les spécificités philosophiques africaines.
Il est vrai que Hountondji a suivi un parcours d’élite. Il est né en 1942 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, dans une famille protestante et déjà cosmopolite. Admis à la prestigieuse École Normale Supérieure de la Rue d’Ulm, il y travaille avec des philosophes exceptionnels comme Derrida, Althusser et Canguilhem.
Après Normale Sup’, il soutient à Nanterre en 1970, une thèse de doctorat de troisième cycle sur le thème : “L’idée de science dans les prolégomènes et la 1ère recherche logique de Husserl”. Une thèse dirigée par nul autre que Paul Ricoeur, un des plus grands phénoménologues du 20e siècle. Avant et après sa thèse, Hountondji a enseigné la philosophie dans les universités de Besançon, de Kinshasa et de Lubumbashi avant de revenir au Bénin où il a non seulement enseigné à l’université d’Abomey Calavi mais également joué un rôle prééminent dans le processus de démocratisation du pays et occupé des postes ministériels. Il a été ministre de l’Education de 1990 à 1991, puis de ministre de la Culture et de la Communication de 1991 à 1993.